Comté de Marin, Californie, États-Unis
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Rêver grand
Champion du monde de body-building, star hollywoodienne la mieux payée et gouverneur de Californie : Arnold Schwarzeneggerest une superstar sans égal. Pour le livre Arnold, l’autrice Dian Hanson a travaillé en étroite collaboration avec lui pendant dix ans. Dans GG, elle révèle comment ce projet colossal a fait naître une amitié.
La carrière haute en couleur du fils d'un policier d'un petit village des Alpes autrichiennes, champion du monde de bodybuilding, star d'Hollywood et gouverneur de Californie, fait l'objet d'une série monumentale de livres de photographies en deux volumes ("Arnold", édition limitée à 1 447 exemplaires). Dian Hanson, l'auteur de ce projet gigantesque, évoque les moments les plus mémorables passés avec Arnold Schwarzenegger et explique comment les nombreux entretiens menés pendant dix ans ont débouché sur une amitié très particulière.
Tout a commencé en 2012 par un e-mail de Benedikt Taschen, le fondateur de la maison d’édition TASCHEN, mon patron, me priant de venir le voir dans le jardin aménagé sur le toit de sa librairie à Beverly Hills, sans préciser la raison de cette convocation. Tandis que nous prenions place, je détectais dans son regard qu’il manigançait quelque chose. Et soudain, la surprise se tenait là, devant moi : Arnold Schwarzenegger !
L’illustre homme a pris place à côté de moi et Benedikt m’a expliqué ce qui se tramait : il envisageait de publier un beau livre grand format sur la vie d’Arnold et ses différentes carrières. J’ai d’abord été surprise qu’il m’ait choisie pour écrire ce livre. Mais c’était somme toute assez cohérent car Benedikt savait que je faisais de la musculation depuis 30 ans. Il ignorait cependant que c’était Arnold qui avait suscité mon intérêt pour le culturisme.
À l’époque, en 1981, quand je travaillais pour le magazine OUI, j’avais proposé de couvrir Mr. Olympia, une compétition de bodybuilding. Je savais qu’Arnold y était très impliqué. Lors de la sortie de son film Arnold le magnifique en 1977, tout le monde s’était soudain mis à s’intéresser aux muscles et au fitness. Les hommes tentaient d’imiter Arnold et les femmes étaient fascinées par lui. Je me souviens encore comment je m’étais frayé un chemin à travers la foule pour obtenir une photo avec lui. Il est resté courtois, bien que pas vraiment enthousiaste, mais il émanait de lui un incroyable charisme et il me souriait. Ce qui m’a le plus impressionnée si près de lui, c’est sa peau immaculée – la plus belle peau que j’aie jamais vue chez un homme ! J’allais avoir 30 ans et si la musculation avait vraiment un tel effet sur le corps, je voulais en faire l’expérience. De retour à New York, je me suis donc inscrite dans un club de body-building pour femmes. Depuis, je pratique cette discipline régulièrement
Dans les années qui ont suivi, j’observais aussi comment Arnold poursuivait sa carrière d’acteur. Comme tout le monde à l’époque, j’ai vu Conan le barbare et tous les films de la saga Terminator, mais ce qui me semblait le plus significatif, c’était comment il avait promu le fitness. En tant que jeune femme vivant à New York, je me sentais souvent vulnérable. Plus je gagnais en force musculaire, plus je renforçais aussi la confiance en moi, tant au niveau physique que mental. Une fois, de nuit, j’ai entendu deux hommes derrière moi qui envisageaient manifestement de m’agresser, jusqu’à ce que l’un d’eux dise : « Laisse tomber ! Regarde ses muscles. Elle va nous démolir ! » Arnold m’avait sauvée en me montrant comment me sauver moi-même. Lors d’une de nos premières interviews pour le livre, il m’a confié que son objectif avait toujours été de créer un monde dans lequel il y aurait plus de salles de fitness que de supermarchés et on peut dire qu’il s’en est pas mal rapproché.
Il lui a fallu plus de temps pour convaincre Hollywood que le grand public. Au début, on lui disait : « Plus personne ne s’intéresse aux muscles, c’est fini depuis John Wayne. De nos jours, l’homme se définit par son intellect et sa sensibilité. » Ces gens-là n’ont pas su reconnaître qu’outre ses muscles et son accent autrichien très marqué, Arnold était aussi doué d’intelligence.
Mais revenons-en à notre rencontre sur le toit. Il a été décidé de commencer le travail sur le livre un an plus tard, car Arnold écrivait encore son autobiographie. Comme je ne voulais pas attendre aussi longtemps, je me suis mise à la recherche de photos dès mon retour au bureau. J’ai rassemblé tous les magazines qui avaient publié quelque chose sur Arnold Schwarzenegger. Onze mois plus tard, nous nous retrouvions chez lui pour notre première interview.
Un assistant m’a fait entrer et m’a tout de suite prévenue qu’Arnold n’avait pas beaucoup de temps, seulement quelques heures. Mais dès qu’il est arrivé, il s’est mis à me raconter un tas de choses. Arnold est un brillant conteur et interprète qui ponctue sa narration d’imitations et d’effets sonores, toujours avec beaucoup d’humour. Ses assistants l’interrompaient régulièrement en regardant leur montre et en disant : « Arnold, on doit y aller. » Il répondait « pas encore », en faisant un geste de refus et continuait son récit. Quand je me suis enfin levée, j’ai constaté que nous avions parlé pendant cinq heures.
Au cours des dix ans de notre collaboration, Arnold m’a raconté ces triomphes en détail. Son enfance difficile a été un sujet qu’il a abordé plus progressivement. Dans le documentaire Netflix intitulé Arnold, il révèle ses souvenirs douloureux. Il raconte qu’il était le cadet de deux fils, né à la fin de la Seconde Guerre mondiale, quand personne en Autriche ne pouvait se permettre d’avoir un deuxième fils et comment il a grandi dans un village où tous semblaient vaincus et sans espoir. Il dit qu’il n’y a jamais trouvé sa place, qu’il a toujours voulu une vie plus intéressante. Son frère aîné était le chouchou de leur père et avec le peu d’argent que la famille parvenait à mettre de côté, à Noël, on achetait un nouveau jouet pour son frère, tandis qu’Arnold recevait celui, déjà usé, de l’année précédente. Ils n’avaient pas l’eau courante à la maison et ils devaient aller la chercher pour remplir la bassine posée au milieu de la cuisine pour le bain hebdomadaire. Tous se lavaient dans la même eau : d’abord la mère, puis le père, ensuite le frère aîné et enfin Arnold.
Aujourd’hui, Arnold parle ouvertement du fait que son père rentrait souvent soul et qu’il était très difficile à contenter, que ses parents n’ont assisté à aucune de ses compétitions de body-building. Il parle moins de sa mère, mais c’est elle qui maintenait la famille unie. Dans les années après-guerre, elle allait de ferme en ferme afin de mendier de la nourriture pour ses fils. La mère d’Arnold a été un pilier important dans sa vie, elle lui a inspiré sa force. On voit souvent en Arnold Schwarzenegger une figure hypermasculine mais il s’est entouré toute sa vie de femmes fortes. Dans une de ses interviews pour un magazine au début de sa carrière, il a déclaré : « Une femme qui sur une échelle de un à dix est pour moi un dix, pourrait être un cinq pour un autre homme car ce qui m’attire le plus chez une femme, c’est son intelligence et ce qu’elle peut m’apprendre. Son physique est secondaire. »
Il a nommé plus de femmes dans son gouvernement que n’importe quel gouverneur de Californie avant lui. Il a choisi des femmes dotées comme lui d’une personnalité forte, surtout des femmes capables de travailler dur tout en sachant prendre le temps de plaisanter et de discuter. À la surprise de tous, Arnold a par exemple nommé Susan Kennedy (sans lien de parenté avec son ex-femme Maria Shriver) au poste de cheffe de cabinet. C’était une démocrate lesbienne coriace qui intimidait la plupart des hommes au Capitole de l’État, mais Arnold a gouverné à ses côtés et l’a toujours traitée comme son égal. Nonobstant leur appartenance à des parties politiques différents, il a su gagner son respect et elle le sien parce qu’ils faisaient front commun pour combattre les problèmes de l’État. Et puis, elle fumait des cigares avec lui – un atout non négligeable !
Son ex-femme Maria est une femme forte et Heather Milligan, sa compagne depuis de nombreuses années, a également une personnalité très affirmée. C’est une kinésithérapeute qui dirige son propre cabinet avec succès, une femme indépendante, pas un trophée ramené d’Hollywood.
Cette toile de fond a fait qu’Arnold et moi nous sommes liés d’amitié très vite. Au cours de la première longue interview chez lui, nous n’avons cessé de rire et de plaisanter et à l’issu de notre deuxième entretien, il m’a dit : « Dian, tu n’es pas obligée de venir ici que pour les interviews, tu peux aussi passer me voir quand tu veux. » Je n’aurais jamais pu imaginer plus beau compliment de sa part.
Et la deuxième fois que je me suis vraiment sentie flattée par lui, c’était lors de la présentation de notre fabuleux livre Taschen devant un public de 1 000 personnes au Geffen Theater – la plus grande, plus somptueuse et plus belle salle à Los Angeles – à l’Academy Museum of Motion Pictures. Juste avant de monter sur scène, Arnold m’a dit : « Je ne me suis pas du tout préparé. Tu me connais mieux que quiconque, mieux encore que je ne me connais moi-même. Je peux parler, mais je te laisse me guider vers les sujets qui te semblent intéressants. » Heather qui était assise à côté de lui, s’est mise à rire : « Arnold n’est jamais plus heureux que lorsqu’il est guidé par un groupe de femmes. » À partir de là, notre trac s’est dissipé. Sur scène, nous avons discuté et plaisanté comme nous avons coutume de le faire quand nous sommes chez lui et au lieu d’assister à une interview formelle, le public a pris part à un échange très personnel.
Arnold avait raison de dire que je le connaissais mieux que quiconque. Au cours des années, je suis devenue experte en la matière. J’ai lu toutes ses interviews depuis ses débuts en 1967. Il y a des livres pour lesquels, plus on creuse le sujet, moins ils nous plaisent. Tous les éditeurs connaissent cela. Mais pour le projet Arnold, c’était l’inverse. Plus j’en apprenais sur lui, plus j’appréciais l’homme qu’il était et ce qu’il avait accompli.
Ses qualités les plus attachantes sont son ouverture d’esprit, sa connaissance de lui-même et sa faculté d’introspection. Il n’a pas peur d’observer chaque partie de lui-même, bien qu’il avoue ne pas aimer, à l’âge de 76 ans, regarder ses abdominaux. Moi qui ai 71 ans, je le comprends très bien. La plus grande vulnérabilité d’Arnold est de nature physique : une déficience cardiaque congénitale. C’est son talon d’Achille. À ce jour, il a subi trois opérations à coeur ouvert : en 1997, 2018 et 2020, pour remplacer des valves cardiaques déficientes. Beaucoup croient que ces problèmes viennent de la prise de stéroïdes pour le body-building, mais la même insuffisance cardiaque a tué sa grandmère et sa mère. Après sa première intervention, Arnold a essayé de convaincre sa mère de se faire opérer elle aussi. Elle a malheureusement refusé et est décédée un an plus tard. Le fait de savoir qu’il devra subir d’autres opérations, les valves cardiaques devant être remplacées tous les dix ans, est un rappel constant de sa propre mortalité qui l’incite à profiter de chaque moment de la vie.
Arnold est un bon vivant. Il est très positif. Il avoue qu’autrefois, après son arrivée aux États- Unis, il ne pensait qu’à lui-même et aux objectifs qu’il voulait atteindre. Cela a changé à la trentaine quand il a commencé à employer sa force pour venir en aide aux plus démunis. Après la sortie d’Arnold le magnifique, il a été invité à l’université du Wisconsin pour donner des cours de musculation à des personnes en situation de handicap mental, dans le but d’améliorer leur santé et de renforcer leur confiance en eux. Il a raconté qu’à la fin de la journée, il avait ressenti une émotion qu’il n’avait jamais éprouvée jusque-là, une joie nouvelle – celle d’aider les autres.
Il a commencé à travailler pour les Jeux olympiques spéciaux et en 1990, son ami, l’ancien président George Bush père, l’a nommé à la direction du Conseil présidentiel pour la condition physique et les sports. Le livre contient aussi une photo d’Arnold dans une prison, en train de donner un cours de musculation à des détenus. Il avait entendu dire que les prisonniers qui s’entraînaient régulièrement avec des poids, se comportaient mieux et voulait ici aussi apporter son aide. Aujourd’hui encore, chaque année à Thanksgiving, il charge un camion entier de dindes et les distribue dans une maison des jeunes à Los Angeles. À Noël, il y retourne avec des cadeaux. Il est convaincu avoir reçu tellement de bonté dans sa vie qu’il est de son devoir de rendre la pareille.
Cela m’amène aux deux malentendus sur Arnold Schwarzenegger qui revenaient sans cesse au cours de mon travail avec lui sur le livre. Le premier était qu’il serait un égoïste machiste. Bien sûr, de prime abord, on pourrait le penser, c’est la première chose qui vient à l’esprit à la vue de son physique. Mais plus j’apprenais à le connaître, plus je voyais son autodérision, sa capacité à s’autocritiquer, à rire de lui-même et à travailler sur lui-même pour s’améliorer encore et toujours. C’est ce qui lui a permis de se hisser au sommet. Il est devenu le meilleur culturiste car, peu importait le degré de perfection qu’atteignait son corps, lorsqu’il se regardait dans le miroir, il voyait toujours des imperfections qu’il voulait corriger. Jamais au cours de sa carrière de bodybuilding, d’acteur ou d’homme politique il n’a pensé qu’il était le meilleur ou qu’il savait tout. Il se motivait toujours pour aller plus loin, s’imposant toujours de nouveaux défis.
Le second malentendu concerne sa ligne politique. Il est républicain – et il a gagné les élections de gouverneur à deux reprises avec ce parti politique. De ce fait, beaucoup le voit comme un conservateur classique. D’autres disent que son discours actuel ressemble bien plus à celui d’un démocrate. En réalité, il est un vrai centriste, une personne qui voit du bon et du mal des deux côtés et qui refuse de suivre la ligne d’un seul parti. Il me l’a expliqué ainsi : « Je suis Américain, mais je suis né Autrichien et à de nombreux égards, je suis toujours Autrichien. » Il est issu d’une culture dans laquelle la protection de l’environnement et des ressources naturelles est prise au sérieux, le droit aux soins est une évidence et le système social vient en aide aux plus démunis. Cette influence est toujours présente chez lui.
Arnold est encore très engagé en politique. Je lui ai demandé pourquoi, après avoir quitté son poste de gouverneur, il n’avait pas visé d’autres fonctions politiques. Il m’a répondu : « Beaucoup d’hommes et de femmes s’engagent en politique parce qu’ils veulent être des serviteurs publics et améliorer les conditions de vie de leurs concitoyens. Mais une fois qu’ils sont élus, ils découvrent à quel point leur fonction améliore leur propre vie et tout ce que le pouvoir leur permet de faire. On peut devenir addict à cela et ne plus vouloir céder sa place. Alors, on est prêt à tout pour se faire réélire. Je ne voulais pas en arriver là. » Au lieu de cela, Arnold cherche des solutions aux problèmes du monde à travers l’Arnold Schwarzenegger Institute for State and Global Policy, la Schwarzenegger Climate Initiative et plus récemment la création de vidéos qui évoquent des problématiques mondiales et s’adressent directement au public : sur YouTube, X (anciennement Twitter) et Instagram où il compte plus d’abonnés que l’actuel président des États-Unis, Joe Biden, son prédécesseur, Donald Trump, et quasiment tous les chefs d’États du monde.
Naturellement, Arnold continue à faire des films. À l’âge de 76 ans, il joue dans une série d’action à succès sur Netflix, organise des compétitions de body-building et de sport dans le monde entier et me propose maintenant de nous lancer ensemble sur un nouveau projet de livre sur les cigares. On pourrait penser que tout cela suffit pour l’occuper, mais les racines autrichiennes du Terminator réclament toujours plus.
Arnold Schwarzenegger a gardé l’amour d’un garçon de la campagne pour les animaux. Il apprécie sa vie dans une zone exclusive de Los Angeles, tout en ayant une ferme miniature à proximité. Actuellement, il a un cheval miniature nommé Whiskey, son âne miniature Lulu et depuis peu, un cochon nain appelé Schnelly parce qu’il est capable de courir très vite (nom dérivé de « schnell », « rapide » en allemand, N.D.L.T.). Champion du monde de bodybuilding, star d’Hollywood, ancien gouverneur de la cinquième puissance économique mondiale et éminent militant pour le climat, Arnold se lève chaque matin de bonne heure pour s’occuper de ses animaux. Après avoir nettoyé les écuries et la porcherie, il les laisse jouer sur la pelouse. La porte de sa cuisine reste ouverte pour qu’ils puissent venir goûter ses biscuits à l’avoine fraîchement sortis du four.
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